La
famille Rispal apparaît à Villefranche à la fin du XVIIe siècle. En moins de deux générations, le
commerce des toiles permit à ses membres d’édifier une fortune considérable
qui, à la veille de la Révolution, les plaçait parmi les plus riches bourgeois
de la ville et, par leurs revenus féodaux, au-dessus de la condition de maints
gentilhommes de a Basse Marche du Rouergue. On ne les voit pas toutefois
prendre part au gouvernement de la cité et la Révolution, qui leur fit perdre
le bénéfice de leurs acquisitions en biens nobles, ne semble pas les avoir
incités à se départir d’une attitude aussi réservée. En revanche, ils servirent
avec zèle la confrérie des Pénitents noirs au sein de laquelle ils assumèrent à
plusieurs reprises de hautes fonctions.
Jean
Rispal, qui fit souche à Villefranche dans les premières années du XVIIIe siècle, était originaire de Peyrusse où sa
famille était alors de condition fort modeste. Il était probablement le neveu
de Jean Rispal, marchand, marié avec Catherine Périères, dont les deux fils se
prénommaient également Jean : le premier, était marchand lorsqu’il épousa
Jeanne Delmoly, par contrat passé le 20 juin 1691 devant Me Gleyroze, en
présence notamment de Guillaume Rispal, travailleur, alors que le second est
dit aussi travailleur quand il contracte mariage avec Jeanne Grialou, le 29
décembre de la même année[1].
La filiation de la postérité de ces deux Jean n’a pas été établie, mais on sait
que l’aîné sera 1er consul de Peyrusse en 1733[2]
et qu’il eut probablement pour descendant Joseph Rispal, reçu dans la confrérie
des Pénitents noirs de Villefranche en 1769, acquéreur de Biens nationaux en
1794.
I - Jean Rispal (†1732), marchand de Villefranche. Né à Peyrusse,
fils de Guillaume Rispal (†/1702) et d’Isabeau Lasfarge, il vint s’établir à
Villefranche au début des années 1690. Il y décéda le 7 avril 1732 et fut
inhumé dans l’église Notre-Dame.
Le
9 mai 1710, dans sa maison, «estant dans
son lict dettenu de certaine maladie corporelle» qu’il pensait sans doute
lui être fatale[3], il avait fait un
testament par-devant Me Thomas, notaire de Villefranche, signé d’une main
tremblante, preuve de la gravité de son état. Par lequel il instituait sa femme
son héritière universelle, faisait à son fils Antoine un legs de 1500 livres,
dont celui-ci ne pourrait bénéficier qu’à l’âge de 25 ans, comme chaque enfant
qui pourrait naître de son mariage auquel il léguait 500 livres[4].
A sa mort survenue une trentaine d’années plus tard, c’est un patrimoine
considérablement accru par la prospérité de son négoce qu’il laissera en
partage à ses héritiers, ainsi qu’en témoignent les sommes consacrées par ses
fils, notamment le cadet, à l’acquisition de biens fonciers.
Marié
le 29 avril 1702, à Villefranche,
avec Jeanne Devico, fille de Raymond
Devico, forgeron, et de Jeanne Rataboulp. Le contrat de mariage fut passé
par-devant Me Marmiesse, notaire, le 21 février 1702. D’où :
1 - Jeanne (1703-1718). Née le 29 juillet 1703,
baptisée le 30 (p. Raymond Teulières, hoste ;
m. Jeanne de Rataboulp), elle décéda et fut inhumée le 18 décembre 1718.
2- Antoine (°1706), qui suit.
3- Jean (°1711), né le 17 mai 1711, baptisé le
18 (p. Jean Rispal, marchand ; m. Perette
Devique, pour Devico).
4- Guillaume (°1713). Baptisé le 10 mars 1713 (p. Me
Guillaume Devico, huissier ; m. Marie Vaissière, femme d’Antoine Devico,
marchand), il était déjà décédé lorsque son frère aîné Antoine se marie en
1741, ainsi qu’il est précisé dans le contrat de mariage de celui-ci (cf. infra).
5 - Jean (°1718),
seigneur de Lestang, prêtre et curé de Vialars. Né le 17 avril, baptisé le
18 (p. Jean Ramon ; m. Catherine Teulière), docteur en théologie,
diacre tonsuré en 1742 et prêtre en 1742, il était curé de Vialars lorsque il
fut élu directeur de la confrérie des Pénitents noirs de Villefranche pour
l’année 1757. Le 24 juillet 1757, il rendait hommage au roi pour la terre et
seigneurie de Lestang, en la paroisse de Savignac. Consistant « en un
domaine composé de certains bâtiments ruinés, de jardin, preds, bois, terre
cultes et incultes, petit moulin aussi ruiné, la justice haute moyenne et
basse, enfin toutes les dépendances de la dite terre » qu’il avait achetée
au prix de 16 900 livres, le 11 décembre 1751, à Henri Octavin de La Capelle
Cas, seigneur de Cas, procureur fondé de son épouse Hélène de Marssa, dame de
Lestang. Après avoir produit devant le Bureau des Finances de Montauban le
dénombrement de sa terre, affirmé par acte du l2 juin 1769, publié à Savignac
début juin 1770, puis fin juillet, à trois audiences du sénéchal de
Villefranche, il fut finalement maintenu en possession et jouissance de son
bien par jugement des présidents trésoriers du domaine du roi rendu, le 28 juin
1773, en vertu de l’avis favorable donné, le 12 mars 1772, par le procureur du
roi. Dans ses conclusions, il faisait observer toutefois que : « c’est mal à propos que led. Sieur Rispal a
hommagé led. domaine sous la dénomination de Rural parce qu’il implique qu’un
bien rural soit tenu à l’hommage et dénombrement ; c’est donc une erreur
qu’il convient de rectifier en substituant au mot rural celuy de féodal »[5].
Il est fort probable que Jean Rispal fit l’acquisition de la seigneurie de
Lestang au profit de son neveu et filleul qui, encore mineur à cette époque,
est peu après dénommé Jean François
Rispal de Lestang quand, le 12 avril 1758, il est reçu dans la confrérie
des Pénitents noirs, lequel était en pleine possession du domaine lorsque,
qualifié de seigneur de Lestang, il se marie à Parisot en 1774.
II - Antoine Rispal (1706-1788), coseigneur d’Espinas, marchand et
bourgeois de Villefranche, conseiller du roi en la maîtrise particulière des
Eaux et Forêts de Rouergue et Quercy.
Fils
aîné de Jean Rispal et de Jeanne Devico, né le 27 janvier 1706 et baptisé le
lendemain (p. Antoine Devico, forgeron ; m. Jeanne Lacombe), il succéda à
son père dans le commerce des toiles qu’il fit propérer dans la boutique située
au rez-de-chaussée de la grande maison qu’il habitait et possédait, donnant sur
la place Notre-Dame et ayant appartenu précédemment à M. Gailhardy, conseiller
au présidial. Les profits réalisés dans son négoce lui permirent d’acquérir un
office et des fiefs nobles propres à lui procurer la considération sociale
qu’une aussi belle réussite économique n’eût pas suffi à lui assurer. L’office
fut celui de conseiller du roi, garde-marteau en la maîtrise particulière des
Eaux et Forêts de Rouergue et Quercy établie à Rodez, dont il obtint provisions
le 16 janvier 1765[6], et les divers fiefs
situés dans la paroisse d’Espinas, qu’il avait achetés à Bernard de La Gardelle
les 13 mars 1753 et 31 mai 1754, lui permirent d’être dès lors qualifié de
coseigneur d’Espinas.
Son
entrée dans le système féodal ne se fit pas sans difficultés en raison de son
ignorance des obligations que cela impliquait de sa propre personne. Comme en
témoigne la lettre qu’il adressa, le 23 mars 1762, au procureur du roi du
Bureau des Finances de Montauban qui lui contestait la pleine jouissance de ses
rentes nobles pour avoir omis de rendre foi et hommage au roi. Lettre dans
laquelle il rappelle pour sa défense que cette formalité a été accomplie par
les précédents propriétaires : « L’hommage
des dittes rentes a été rendu le seize du moy de septembre mille sept cens
vingt deux et le dénombrement des dittes rentes fut authorisé le dix neuf aoust
mil sept cens vingt six. C’est ce que je puis justifier vous le trouverez à la
Treshorerie… »[7].
Quatre années passèrent avant qu’il ne s’acquitte de ses devoirs vassaliques.
Le 24 mars 1766, bien qu’en la personne de son procureur fondé, mais selon la
formule consacrée, « le dit sieur
Rispal teste nüe, les deux genoux a terre, sans ceinture, espée ny esperons,
tenant mains iointes en la manière accoustumée, » prêtait hommage et serment de fidélité au roi. Après qu’il eut
fait dresser le dénombrement de ses fiefs, contenant trente-deux articles et
affirmé véritable par acte du 15 décembre 1767, procéder à sa publication dans
la paroisse d’Espinas fin juin 1768 et à trois audiences du sénéchal de
Villefranche en avril 1769, il fut maintenu dans la pleine jouissance de ses
droits féodaux par jugement des présidents trésoriers de France en la
généralité de Montauban rendu le 26 février 1772[8].
Entre-temps, ses rentes d’Espinas s’étaient accrues de celles qu’au même lieu
lui avait léguées François Lobinhes, bourgeois de Villefranche, par son
testament du 20 juin 1768, ouvert le 31 mars 1770[9].
Membre
de la confrérie des Pénitents noirs, dont il fut sous prieur en 1750, il décéda
le 22 novembre 1788.
Marié
le 29 avril 1741, en l’église des
Pénitents bleus, avec Catherine Obscur
(†1774), fille de François Obscur, marchand et bourgeois de Villefranche, et de
Marie Besse.
Le
contrat fut reçu, le 20 avril 1741, par Me Thomas, notaire de Villefranche. La
dot de la future s’élevait à 6 000 livres, moitié du chef de son père, moitié
du chef de sa mère. Il était prévu que le paiement de 3 000 livres au moment de
la signature du présent contrat serait suivi du paiement du restant dû en
quatre autres versements égaux, sans intérêt, dans les quatre années suivantes.
De son côté, le futur obtenait de sa mère la restitution et relaxe de
l’hérédité de feu son père. Enfin la future se constituait en douaire la somme
de 2 000 livres. Etaient témoins noble François de Treilhe, chevalier de
l’ordre militaire de Saint-Louis, capitaine de cavalerie, les sieurs Jean
Dubruel et Bernard Pié, marchands de Villefranche[10].
Catherine Obscur fut inhumée dans le cimetière de la
paroisse, le 6 octobre 1774. D’où :
1 - Marie Jeanne (°1742), née et baptisée le 18
janvier 1742 (p. Jean Rispal, diacre tonsuré ; m. Marie Cavalerie,
veuve de feu Louis Obscur).
2 - Jeanne (°1743). Née le 19 janvier 1743,
baptisée le 20 (p. François Obscur ; m. Jeanne Devico), en famille
« Jeanneton », prénom qui lui est aussi donnée lors de sa réception
dans la confrérie des Pénitents noirs, le 12 avril 1758, et dont elle signe
quand elle se marie contre le gré de son père.
Marié le 2 mars 1778, en la chapelle de Sainte-Barbe,
avec Pierre Jean Antoine Cardonnel (1745-1818),
avocat en parlement, juge de Sanvensa et des Mazières, puis procureur du roi au
sénéchal et siège présidial de Rouergue, né le 19 janvier 1745, fils d’Antoine
Cardonnel, seigneur de La Bastide-Nantel et Fonrozal, procureur en la cour
présidiale, et de Gabrielle Linières.
Les pères des futurs époux refusèrent d’assister au
contrat de mariage reçu le 1er mars 1778 par Me Roubière, notaire de
Villefranche[11]. Dont postérité.
3 – Jean-François (°1744), qui suit Rameau A.
4 - Françoise Hélène (1745-1747). Baptisée
le 22 mai 1745 (p. François Obscur, marchand ; m. Françoise Rispal) elle
mourut en bas âge, le 21 avril 1747, et fut enterreé dans le cimetière de la
paroisse (en l’absence de ses parents).
5 - Antoine-Victor (1746-1823), chartreux.
Baptisé le 29 juillet 1746 (p. Mr Me Anthoine Courège, prêtre et prieur de
Lescure ; m. Marie Obscur ; présents les sieurs François Obscur et
Louis Bonhomme), porté sur le registre des Pénitents noirs sous les noms Antoine Victor Rispal d’Espinas lors de
sa réception dans la confrérie, le 12 avril 1758, il était destiné à hériter
des fiefs d’Espinas, mais il se fit chartreux. Il était prêtre et religieux de
la chartreuse de Rodez lorsqu’il en fut expulsé en 1792. Il vint s’établir à
Parisot où résidait son frère aîné et c’est devant les officiers municipaux de
cette localité qu’il prêta tous les serments que la République exigeait de lui,
le 22 novembre 1792, le 23 septembre et
le 22 novembre 1795. Le 30 août 1795, s’étant présenté devant eux, ceux-ci
consignèrent dans le registre des délibérations communales : « L’an 3 de la République, 13 fructidor au
lieu de Parisot, a comparu le C.en Victor Rispal,
ci devant chartreux. Lequel se propose d’exercer le ministère d’un culte connu
sous la dénomination du culte catholique apostolique et romain, le même qui
était publiquement exercé en France avant 1789 et a requis qu’il soit décerné
acte de sa soumission aux lois de la République, sous réserve de l’entière
liberté de ses opinions religieuses d’après les principes qui sont
universellement reconnus dans la dite Eglise catholique, apostolique et
romaine. Et de laquelle déclaration luy a été décerné acte conformément à la
loy du 11e Prérial et que le déclarant a signé avec tous les an et
jour sus dits. » Son traitement
comme ex-religieux fut fixé à 900 livres[12].
Il décéda à Villefranche, dans la maison qu’il habitait rue Droite, à 4 heures
du soir le 12 février 1823.
6 - Simon Jean-de-La-Croix (°1747), baptisé le 27
novembre 1747 : m. Marie Granier.
7 - Marie-Appolonie (1749-1820),
religieuse. Née en 1749, reçue en la confrérie des Pénitents noirs le 12 avril
1758, elle était retirée des ordres lorsqu’elle décéda dans la maison du sieur
Vidal, marchand, rue de la Fontaine, le 22 juin 1820 à une heure du soir.
8 - Jean-François-César (1750-1813), négociant. Baptisé le 27 août 1750 (p. Jean
François Rispal, son frère ; m. Jeanne Rispal, sa sœur), associé à ses
frères dans le commerce des toiles, il avait reçu de son père le domaine de
Cantagrel (situé à Sanvensa ?), car c’est sous les noms de Jean François César Rispal de Cantagrel
qu’il est porté sur le registre des Pénitents noirs le jour de sa réception
dans la confrérie, le 12 avril 1758. Il servit avec zèle cette dévote
compagnie. Elu intendant de chapelle en 1789, il était nommé sacristain en
1805, dès que la confrérie reprit ses pieux exercices interrompus depuis 1792,
puis remplit les fonctions de trésorier de 1807 à 1811 ; c’est en cette
qualité que, le 19 janvier 1810, ses confrères le chargèrent de négocier
l’achat des stalles de l’abbaye de Loc-Dieu qui se trouvent aujourd’hui dans la
chapelle. Il décéda dans sa maison sise rue des Pénitents bleus, le 21 juin
1813.
Marié avec
Antoinette-Louise Maritan.
9 - Jeanne-Françoise-Geneviève (1751-1835),
religieuse de Sainte-Claire. Baptisée le 26 novembre 1751 (p. Jean François
Rispal, son frère ; m. Jeanne Rispal, sa sœur), reçue dans la confrérie
des Pénitents noirs le 12 avril 1758, elle fut religieuse - sœur de Saint-Augustin - au couvent de
Sainte-Claire de Villefranche, dont elle fut expulsée le 28 septembre 1792.
Elle décéda dans la maison familiale de la place de la Fontaine le 6 juin 1835.
10 -
Anne-Elisabeth (1753-1763). Baptisée le 25 juillet 1753, reçue confréresse des Pénitents noirs le 12
avril 1758, elle mourut le 22 décembre 1763.
11 - Hélène-Marie (°1754), religieuse de
Sainte-Ursule. Baptisée le 11 septembre 1754 (p. et m. Jean-François et Jeanne
Rispal, ses frère et sœur), reçue dans la confrérie des Pénitents noirs le 12
avril 1758, elle était religieuse au couvent de Sainte-Ursule de Villefranche
quand elle en fut expulsée le 28 septembre 1792. Elle vivait encore en 1815,
religieuse, et maîtresse de cérémonie de la confrérie des Pénitents noirs.
12 -
Catherine (†1763). Reçue dans la
confrérie des Pénitents noirs le 12 avril 1758, marraine en 1762 de sa sœur
Séraphine, elle décéda le 3 octobre 1763.
13 -
Jean-Baptiste-Antoine Théodore (°1757).
Baptisé le 25 octobre 1757 (p. Antoine Victor Rispal ; m. Appolonie
Rispal), probablement décédé le 21 juillet 1761.
14 - Jean-Baptiste (°1761), qui suivra Rameau B.
15 -
Séraphine (1762-1774). Baptisée le 3 septembre 1762 (p. Joseph Rispal ; m.
Catherine Rispal), elle mourut le 3 décembre 1774.
16 - Angèle
(†1771), décédée le 9 septembre 1771.
Rameau
A
IIIa - Jean-François Rispal (°1744), négociant, conseiller du roi en la maîtrise
des Eaux et Forêts de Rouergue et Quercy. Seigneur de Lestang, coseigneur
d’Espinas, Saint-Salvadou, Marmont et autres lieux.
Né
et baptisé le 8 avril 1744 (p. Jean Rispal, prêtre, représenté par François
Obscur ; m. Marie Besse), porté sur le registre des Pénitent noirs sous
les noms de Jean François Rispal de
Lestang lorsque, le 12 avril 1658, il est reçu dans la confrérie dont il
sera sous prieur en 1773 et 1776. Il est qualifié de négociant au moment de son
mariage à Parisot en 1774, mais prend peu après la fonction de conseiller du
roi en raison de l’office de garde-marteau en la maîtrise des Eaux et Forêts de
Rouergue et Quercy que lui a cédé son père et qu’il exerçait encore en 1790.
Héritier
de la plupart des biens de son père, mais aussi de ceux de son oncle paternel
et parrain et d’une grande partie de ceux de son oncle maternel François
Obscur, il ne cessa point pour autant d’accroître son patrimoine foncier par
l’acquisition d’un grand nombre de fiefs. De sorte qu’à la veille de la
Révolution, remarque le marquis de Valady, beaucoup de gentilshommes de la
province pouvaient envier le revenu d’environ 1 630 livres, exempt de taille et
soumis seulement à l’imposition des vingtièmes nobles, qu’il déclarait en 1785
afin de satisfaire à l’arrêt du Conseil du roi du 19 août 1781. Habitant alors
Parisot, il y était en outre, avec 529 livres, le paroissien le plus imposé
après le marquis de Puylaroque[13].
On
ignore à partir de quand il entra en pleine possession du domaine de Lestang.
En réponse aux demandes de l’évêque de Rodez sur l’état de son diocèse, le curé
de Savignac mentionne que M. Rispal, négociant de Villefranche, est seigneur de
son château et domaine de Lestang, alors que le 28 juin 1773, c’est le sieur
Jean Rispal, prêtre et curé de Vialars, qui est maintenu dans la jouissance de
cette terre par les trésoriers de la généralité de Montauban (cf. supra). D’autre part Lestang ne figure
pas, en 1785, dans la déclaration des biens nobles de Jean-François. Il
convient donc d’admettre que celui-ci percevait au nom de son oncle les
redevances de ce bien qui devait lui revenir, de sorte qu’aux yeux des
habitants de la paroisse, il paraissait en être déjà le vrai
propriétaire ; ce qu’il est devenu effectivement quand, en 1788, il est
porté sur le rôle d’imposition de la communauté où, précédant le comte de Cruzy, seigneur de
Savignac, il se classe, avec 268 livres, au premier rang des contribuables les
plus imposés[14].
Jean-François
avait acheté, par actes des 16 janvier et 14 septembre 1779, tous les fiefs et
seigneuries de la Basse Marche que Mademoiselle de Bonhomme avait hérité de son
père Pierre de Bonhomme, conseiller à la Cour des Aides, dont Saint-Salvadou
dont il fut le dernier seigneur et eut à supporter la suppression des droits
seigneuriaux utiles et honorifiques. La nature de cette acquisition se trouve
explicitement décrite dans sa déclaration de 1785 : un seul
bien-fonds noble, un pré non arrosable d’un rapport de 100 livres de rentes
constituées pour un peu plus d’un setier froment seulement mais 41 setiers de
seigle, 26 setiers et plus d’avoine, 22 poules et seulement 3 livres 12 sols 4
deniers d’argent. Les lods année commune sont d’un montant de 24 livres 13 sols
1 denier et le champart à autant ; au total 676 livres 13 sols 1 denier.
Comme coseigneur de Marmont, il déclarait dans cette communauté « divers fiefs avec le tiers de la justice
jusqu’à 60 sols donnant en rentes censives : 2 quartes froment, 21
setiers, 2 punières seigle, 8 setiers, 1 ras et un tiers avoine, 8 poules, un
tiers livre de cire, 8 sols, 11 deniers argent, le tout d’une valeur totale,
frais déduits, de 228 livres, 9 sols, 11 deniers et, avec 12 livres de droits
de lods, un revenu de 240 livres, 9 sols, 11 deniers ». Aux 1 280
livres de revenus que lui procuraient ces deux seigneuries et une multitude de
petits fiefs répartis dans les communautés de Najac, Puech-Mignon, Villevayres,
La Salvetat-des-Cars et Villefranche, s’ajoutaient les 348 livres produites par
la coseigneurie d’Espinas héritée de son père[15].
La
Révolution ne lui permit pas de bénéficier longtemps des honneurs attachés à la
possession de ces fiefs et à la charge de conseiller en la maîtrise de Rodez.
Ces changements politiques, dont il se tint prudemment à l’écart, ne
l’empêchèrent pas cependant de consolider sa fortune foncière par de nouvelles
acquisitions. Il se trouve en effet parmi les acquéreurs de Biens nationaux :
le 3 juin 1791, pour une vigne au terroir de Puechtournel et un pré à
Notre-Dame de Tesseyroles, dont était dotée la chapellenie de Lombard, qui lui
sont adjugés aux prix respectivement de 510 et 800 livres, et pour un autre pré
au terroir de Prat Sevin dépendant de la chapellenie de Fénelous, adjugé au
prix de 4 000 livres[16].
L’année suivante 1792, il est présent à Parisot à une vente publique où il est
le dernier enchérisseur « d’un gros tonneau dont la chandelle s’est
éteinte en sa faveur au prix de 61 livres.» Enfin en l’an VI, par-devant Me
Martin, notaire de Montauban, il achetait encore à Mlle de Bonhomme le
château et domaine de Salesses, qu’il revendit quelque temps après, le 2
floréal an X[17]. La même année il entrait
en possession d’une partie du patrimoine de son oncle François Obscur, décédé
le 6 nivôse an X (27 décembre1801), qui, par son testament du 15 floréal an
VIII (5 mai 1800), lui avait légué la moitié de sa fortune ainsi qu’à Evariste
Dubreuil et à Marie-Léonide Dubreuil, épouse de Jérôme-Philippe Drulhe, à la
charge par eux de payer divers legs à ses autres neveux et nièces. La maison de
la place de la Fontaine, construite en 1757 par le père du testateur, devint sa
propriété à l’issue d’un procès entre les cohéritiers[18].
Marié
le le 23 août 1774, en l’église paroissiale de Parisot, avec Marie Mathieu, âgée d’environ
vingt-deux ans, fille de Jean-Pierre Mathieu, avocat, et de Marie Loubinhes,
mariés, habitants de Parisot. Etaient présents à la cérémonie : Antoine
Rispal, père ; Antoine Fontanilles de Martin, de Beauregard en
Quercy ; Antoine Mathieu, bourgeois de Caylus et Charles Mathieu,
bourgeois de Calcomier, oncles paternels de la mariée. D’où :
1 -
Marie-Antoinette (°1775). Née le 27 octobre 1775 à Parisot,
Marié en l'an IX, à Villefranche, avec Victor Fanit, négociant.
2 -
Jean-Antoine (°1777), qui suit.
3 - Jean
Cézaire (°1782). Né et baptisé à
Parisot, le 8 janvier 1782 : p. Jean-François-Cézaire (pour César) Rispal,
négociant, son oncle de Villefranche)
4 -
Joseph-Henry (1783-1833), propriétaire à Parisot. Né et baptisé à Parisot,
le 17 juin 1783 (p. Antoine Teillard, bourgeois ; m. Marie Rispal), il
décéda célibataire le 29 août 1833, à Parisot.
5 -
Jean-Baptiste-Charles (1785-1835), propriétaire à Parisot. Né et baptisé à
Parisot, le 24 octobre 1785 (p. Charles Fontanilles ; m. Rose
Fontanilles), il mourut célibataire, le 10 août 1835, à Parisot.
IVa - Jean-Antoine Rispal
(°1777), propriétaire, demeurant à Lestang. Né et baptisé à Parisot, le 3
novembre 1777 (p. Antoine Fontenilles de Martin, bourgeois de Beauregard ;
m. Jennetton Rispal), il hérita du
domaine de Lestang dont il fit le lieu de sa résidence, ainsi qu’il ressort de
l’acte de décès de sa fille en 1811.
Marié
avant1810 avec Victoire Mathieu. D’où :
1 - Emilie (1810-1811). Elle mourut à l’âge de 16
mois, à une heure du matin du 13 octobre 1811, à Villefranche chez le sieur
Victor Fanit, son oncle.
Rameau B
IIIb - Jean-Baptiste-César (1761-1836), négociant de Villefranche. Baptisé le 6
août 1761 (p. et m. Jean-César et Geneviève Rispal, ses frère et sœur), il fut
négociant à Villefranche où il résidait, place de la Fontaine, dans la grande
maison héritée des Obscur. Comme son frère aîné, il se porta acquéreur de biens
nationaux : le 17 novembre 1791, il lui était adjugé au prix de 14 800
livres 30 setiers froment, 14 setiers seigle, 13 setiers avoine, mesure de
Villefranche, plus 24 poules et 12 sols, 11 deniers argent de rentes censives
attachées au prieuré de Claunhac, avec une maison, une grange, une basse cour et
un petit jardin[19]. Il appartenait à la
confrérie des Pénitents noirs dont les fonctions de sacristain lui furent
conférées en 1805. Il était veuf lorsqu’il décéda dans sa maison, à onze heures
du matin, le 22 juillet 1836.
Marié
le 1er nivose an III (21 décembre 1794), en l’Hôtel de Ville de
Villefranche, avec Marie-Béatrice Farjou
(†1823), âgée de 31 ans, fille de François Farjou, négociant de Villefranche,
et de Catherine Rigal. Elle fut reçue dans la confrérie des Pénitents noirs le
31 mai 1807 et mourut le 18 décembre 1823. D’où :
1 - Jean-François (°1795), né le 20 frimaire an IV (11
décembre 1795), suivant la déclaration de son père.
2 -
Victor-Casimir (°1800), qui suit.
3 -
Joseph-Henry (1801-1820). Né le 23 fructidor an IX (10 septembre 1801),
suivant les déclarations de Charles Granier et de Jérôme Lobinhes, il fut reçu
confrère des Pénitents noirs le 31 mai 1807 et décéda le 9 novembre 1820, dans
la maison de son père, place de la Fontaine.
4 - Rosalie (1797-1807), décédée le 11 juin 1807,
suivant la déclaration de Louis Drulhe.
IVb - Victor-Casimir Rispal (1800-1857), négociant à Villefranche. Il naquit le
20 prairial an VIII (9 juin 1800), à quatre heures du matin, dans la maison de
son père sise «rue de la boucherie» (suivant la déclaration faite à la mairie,
à six heures du soir, le 1er messidor an VIII, par le citoyen Baptiste Rispal, nég.t assisté de Mr Jean Joseph Granier, ntre public et Pierre Alexandre Cluzel, prore).
Elu prieur de la confrérie des Pénitents noirs en 1856, il décéda le 12 février
1857 et fut enterré dans le tombeau qu’il avait fait bâtir au nouveau cimetière
de la commune[20].
Marié
le 19 octobre 1836, en l’Hôtel de Ville de Villefranche, avec Marie-Juliette-Philippine Latapie
(1814-1889). Née le 24 mars 1814, fille de François Latapie, docteur en
médecine, habitant Villefranche, et de feu Emmanuelle-Marie-Anne Bonhomme
(décédée le 16 janvier 1825) ; les témoins étaient Philippe-Antoine
Cancéris, avocat, Victor Bal, marchand, Jean-Antoine Latapie, pharmacien, oncle
paternel de l’épouse. Veuve en 1857, élue prieure de la confrérie des Pénitents
bleus en 1862, elle survécut à son mari jusqu’au 26 mai 1889.
D’où :
1 -
Jean-Baptiste-François-Emilie (1837-1865). Née le 18 octobre 1837, à onze
heures du matin, elle décéda le 5 octobre 1865.
2 - Antoine-Casimir (1840-1840), décédé à l’âge de 10
mois, le 18 octobre 1840.
3 - Marie-Claire (1843-1845), décédée à l’âge de 20
mois, le 28 février 1845.
4 -
Marie-Louise-Delphine (1847-1925). Née dans la maison de ses parents, le 20
avril 1847, elle y mourut le 5 octobre 1925, dernière de sa famille, mariée :
en premières noces avec Paul Lespinasse (1840-1885). Né le 6 mai 1840, décédé le 13 juin
1885, il fut nommé sous prieur de la confrérie des Pénitenrs bleus en 1865
en secondes noces avec Louis-Antoine-Napoléon du Couret (1834-1912), colonel, commandeur
de la Légion d’honneur, né à Mulhouse (Haut-Rhin), le 3 novembre 1834, décédé à
Villefranche, le 13 juillet 1912.
Sans postérité. Pierre
HOCQUELLET
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Lestang
Le manoir de Lestang fut construit, vers le XVe siècle, sur une croupe fertile et solitaire du plateau de Martiel. Situé à 2 km au nord de Savignac, à quelque distance de la route allant de Villefranche à Cahors, il domine à l’ouest de vastes prairies mollement arrondies dont les parties basses sont bordées d’une frise ininterrompue de taillis constituant autrefois « l’Estang » qui lui a donné son nom. De la petite route qui, de Savignac mène au hameau de Barbat, on n’en aperçoit que le haut du corps de logis encadré par deux tours rondes coiffées de toitures pointues, émergeant en partie d’un rideau touffu de boqueteaux et de multiples haies enchevêtrées qui semble le rendre à jamais inaccessible. Profondément remanié au cours du XIXe siècle, il ne subsitait de l’ancienne gentilhommière, en 1967, que les deux tours et la longue cave voûtée sur laquelle repose le bâtiment central.
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Les titres produits par Jean Rispal au bureau des
Finances de Montauban[21]
permettent de connaître depuis le XVIe siècle les
propriétaires successifs de la terre et seigneurie de Lestang, qui semble avoir
été à l’origine un fief des cadets de la maison de Gautier en possession de la
seigneurie de Savignac. Le premier connu est Jean Gautier qui, suivant un acte
du 17 mars 1548, rendit hommage au roi pour sa terre de Lestang. Celle-ci passa
peu après par alliance à la famille de Puybéral qui la conserva pendant près
d’un siècle. Noble Charles de Puybéral, seigneur de Lestang, rend hommage à
Marguerite de Valois, le 21 avril 1607, et produit le dénombrement de sa
seigneurie le 1er mars 1608, puis son fils, noble Jean de Puybéral
prête à son tour hommage au roi, le 29 mars 1627, pour la terre de Lestang
qu’il dénombre le 7 juin suivant. C’est la fille et héritière de ce dernier,
Marie-Anne de Puybéral, qui la fit entrer dans le patrimoine de la maison de
Marssa par son mariage, contracté en 1651, avec noble Louis de Marssa, seigneur
de Saint-Michel-de-Vax, lequel, en qualité de seigneur de Lestang, rendit
hommage au roi, le 3 septembre 1666. De cette union était né Jean-Louis de
Marssa, seigneur de Lestang, marié en 1681 avec Hélène de Martin de Châteauroy,
père de Jean-Baptiste de Marssa, seigneur de Lestang. Hélène de Marssa, dame de
Lestang, fille de Jean-Baptiste et de Catherine-Louise de Genton, son épouse,
venait d’épouser, le 17 avril 1751, Henri-Octave de La Capelle, seigneur de
Cas, lorsque, le 11 octobre 1751, elle vendit Lestang à Jean Rispal, curé de
Vialars.
Les Rispal conservèrent Lestang jusqu’à leur extinction en 1925. Marie-Louis-Delphine Rispal, veuve du colonel du Couret et dernière représentante de la famille, légua le domaine à l’une de ses proches parentes, Madame Testas, née Latapie, épouse en secondes noces de M. Testas, juge au tribunal de Cahors, puis de Villefranche. Bernard Testas en était le propriétaire quand, en 1978, il périt dans l’incendie qui détruisit entièrement le manoir[22].
[1] A.D.Av. 3E 6 105.
[2] A.D.T-G. C 394.
[3] Etienne Cabrol rapporte en effet que l’année 1710 « qui fut comme une suitte de malheurs de la précédante, moururent beaucoup de chefs de famille de la présente ville, de toutte sorte d’estats par des fièvres malignes et pestilentielles, que les médecins, même de leur aveu, ne connoissoient pas dans leur origine pour y donner promptement les remèdes convenables » (Annales de Villefranche, T. II, p. 593).
[4] A.D.Av. 3E 11 104, fol. 522.
[5] A.D.T-G. C 494.
[6] A.D.T-G. C 561, fol. 11.
[7] A.D.T-G. C 297.
[8] A.D.T-G. C 494.
[9] A.D.Av. 3E 9 048.
[10] A.D.Av. 3E 11 132, fol. 89.
[11] A.D.Av. 3E 11 195.
[12] J. Lombard, Parisot, Histoire d’une localité de l’ancienne province de Rouergue, Toulouse, Paris, 1902, p. 385.
[13] A.D. Aveyron C 525.
[14] A.D. Aveyron C 757.
[15] A.D. Aveyron C 1613 ; cf. Valady, Châteaux, II, 275-288 (Saint-Salvadou) et III, 75-84 (Marmont).
[16] P.A. Verlaguet, Vente de Biens nationaux du département de l’Aveyron, Millau, 1931-32-33, T. I, Nos 844, 846, 847.
[17] Valady, Châteaux, II, 289-294.
[18] Voir généalogie de la famille Obscur, Bulletin n° 71.
[19] P.A. Verlaguet, Op. cit., T.I, n°1077, p. 211.
[20] Ce tombeau était déclaré à l’abandon en août 1987. Les personnes qui y furent inhumées et dont les noms sont gravés dans la pierre furent, dans l’ordre : Victor Rispal (1857) ; Emilie Rispal (1865) ; Paul Lespinasse (1885) ; Julie-Marie-Philippine Rispal, née Latapie (1889) ; le colonel du Couret (1912) ; Marie Rispal, veuve du Couret (1925).
[21] A.D. Tarn-et-Garonne C 494.
[22] Le rédacteur du Villefranchois du 3 juin 1978 rapporte que son corps carbonisé fut découvert dans les restes d’une tour ; plusieurs indices laissent supposer qu’à son retour des champs, voyant sa maison en flamme, il avait tenté d’intervenir. Nous l’avons connu en 1967 ; il nous avait fait visiter le domaine où, célibataire, il vivait avec sa mère.